au bord de se défaire
— la mer —
épousailles de la mer et du ciel
chair maintenant gris perle
ciel en liesse — soleil —
entre les nuages s’allonge
et sur la mer — visage
un peu de vent et voici le cerf-volant
comme blanc goéland dans l'azur
la présence de l’homme il signe sur la plage
homme — vaillant joueur — avec ardeur
dans l'heure indécise
dans la lumière — dans les ailes
tu découpes — le motif du vent
rampe au loin la mer
sur le ventre
pas tranquille
travaillée de l'intérieur
comme un poème
remue davantage vers la frange
le bord où ça bouillonne encore
sur le sable larges inclusions brillantes
là où la mer a conquis — morsures
au bord desquelles battent les cils frangés
de gigantesques méduses — errance
de l'eau au ciel au sable — mer sortie
hors de — hors d'elle — la folle
rendue à sa folie d'amour
Encres marines, cent poèmes sur la mer
Plus rien de l’écoute attentive
que le murmure du monde
plus rien de l’observation fine
qu’une vague perception du mouvement
plus rien de la pensée qu’un flot rapide
d’images chaotiques
comme si
tu n’existais plus
effacé
envahi
par les herbes
du renoncement
Lieux. Exils, voyages
La ville le soir sur mes paupières
pose un calque
avec un quadrillage
aux angles durs d’immeubles
de fenêtres de rues d’itinéraires
et parfois mes yeux tombent
dans quelques poches
plus noires
trouées décharnées des chantiers
Soudain comme un estuaire
surgit une place
un espace ouvert
un pan de ciel plus clair
où le regard se pose
papillon effaré.
Lieux. Exils, voyages
La ville à redécouvrir, à pas lents
comme si je ne la connaissais pas
et je me rappelle
d'autres lieux comme
cette ville du sud, inconnue
où j'étais parvenue au soir tombant
et je me rappelle
la lumière mélancolique
de ses bars clignotant presque au bord
de la plage
dont je foulais le sable sale
pour la première fois et je me rappelle
dans le ciel
cette nuée d'hirondelles
au cri aigre
au vol désordonné occupant tout l'espace
Lieux. Exils, voyages
La chair si merveilleusement tendre
du vivant,
hommes ou bêtes.
Les bêtes — peau, plumes, écailles, fourrure —
un refuge de pleine nuit,
une douceur chevêche.
Revue Contre-allée(s) n°35/36
Un coin de ciel d'hiver
où se réfugie la cime
des arbres nus.
Courbes, entrelacs, squelettes.
Sur le froid chemin que tu parcours à pied
une femme ouvre sa fenêtre
la lumière dorée de son intérieur est tiède
comme une haleine
que tu reçois en plein visage.
Revue Contre-allée(s) n°35/36
Longtemps j'ai cru n'avoir rien à dire il n'y a rien à dire! j'ai crié et seul l'écho m'a répondu
rien à dire
à dire
dire
et puis un jour j'ai dit un mot, des mots j'ai tiré un fil qui dépassait de la muraille un fil des mots et puis ça a dit encore tout doucement ça a murmuré
muré ça a bougé le mur mur mur le mur s'est écroulé ça a ouvert des chemins sur le dire ça a ouvert des voies sur le dire des voix dire
ma voix.
Revue Traction-Brabant
Sur le lagon calme
où perlent des étoiles
moni mwa bahari
nissona nyora
soupirent les vagues
une à une
une respiration
qui peu à peu prend possession de soi
et l'on devient alors un peu
l'océan
l’angoisse cède
à la joie brute de vivre
comme si l'on se libérait de quelque chose d’anguleux
trop longtemps porté en soi en travers de la gorge
comme si l'on s’allégeait d’un lambeau de soi-même
qui pendait en le déséquilibrant
et dont on ne parvenait pas à se délivrer
Lieux. Exils, voyages
Dehors la nuit tropicale
cette géante
chaque soir me prend la main
je vois sa bouche noire
qui lèche les étoiles
avant qu'elles n'éclatent
en pluie de firmament
alors dans le ciel nocturne
alifu nguizi ya nioji
mille gouttes de miel
Lieux. Exils, voyages
Ce matin quand le train longe
la courbe du fleuve
ruban tressé de crins gris
et qu’une lumière olivâtre
de la voiture envahit l'habitacle
au loin les bâtiments d'usine
— derrière la vitre —
sont de grands paquebots blancs
sur le plomb du ciel
tristes navires
dans lesquels on embarque
il ne manquerait plus que la neige
Lieux. Exils, voyages